Damien Dillenbourg, Conscious Contracts® #47

Damien Dillenbourg, Conscious Contracts®

Damien Dillenbourg, Conscious Contracts®, les fondements

Damien Dillenbourg nous explique dans cet épisode podcast comment les contrats conscients peuvent améliorer nos relations, qu’elles soient personnelles ou professionnelles. Et vous verrez qu’un lien avec la sexualité et les relations dans un sens plus global est évident!

Vous vous dites certainement : “Mais j’écoute un podcast sur la sexualité et on me parle d’une approche de contrat conscient dans le domaine des affaires… quel est le lien ?“. Avec un zeste d’imagination et de bon sens, la transposition devient tout à fait possible. 

S’inspirer est le mot-clé de ce podcast. Créer des ponts entre les domaines d’expertise pour créer des relations conscientes plus belles et réjouissantes. Le potentiel du Conscious Contracts® pourrait aider tant de gens que nous avons décidé de lui offrir un épisode qui pourrait bien être le premier d’une série à venir.

Et si l’enthousiasme du début d’une relation pouvait être alimentée par les difficultés imprévisibles et inéluctables rencontrées au cours de l’aventure ? (Envisager même de) Pouvoir contracter et décontracter avec autant de sourires. Nous pensons que c’est possible. 

Et si on arrivait à transposer la sagesse du Conscious Contracts® à sa vie intime et affective ? Que ce soit pour les couples, les mariages, toutes formes de relation formelles et informelles. Et si l’aventure relationnelle affective était construite sur un nouveau paradigme plus conscient des réalités de la vie (changements, caractère imprévisible de la vie, dynamisme, valeurs, joie, vitalité, altérité, évolution, spiritualité…) pour créer des relations humaines plus riches, fructifiantes, vivifiantes où chacun est grandi et chaque partenaire souhaite faire prospérer l’autre en toute circonstance.

Combien de personnes, nous y compris, se sont plaintes d’une justice froide, matérialiste et inhumaine ? Combien de fois avons-nous eu le sentiment d’être désarmés, perdus, face à un jargon incompréhensible pour les non-initiés quand un litige est porté devant la justice ? Tant de partenaires qui deviennent des opposants parce que le système ne leur propose rien d’autre de fondamentalement robuste, puissant, empuissançant, apaisant.

Pourtant, nous aurions tout intérêt à comprendre ce qui se joue dans la construction d’un partenariat. D’autant plus que les impacts d’un contrat peuvent être déterminants pour de nombreuses années de vie (ex: procédure de divorce). Et si nous nous réapproprions nos contrats grâce à une implication personnelle, intime, engageante, le tout dans un langage compréhensible ? Pourquoi devrions-nous ne compter que sur des tierces personnes pour gérer un conflit ? Pourquoi attendre aussi de recourir à une procédure « copier-coller »?

Ne sommes-nous pas capables de définir les conditions de notre épanouissment respectif, de créer, d’innover, de penser à la fonction vitalisante d’un contrat conçu pour nous aider? N’est-ce pas le propre de ce qui nous définit en tant qu’humain ? Alors, si avant d’entamer une relation, un mariage, un contrat de travail, une relation commerciale, nous ralentissions pour y mettre plus de conscience ? Et si, en plus, nous anticipions les moments de divergence sans recherche de reproche et de faute, mais plutôt en nous prévoyant des solutions, des canaux de dialogue qui chérissent ce qui est en devenir, ce qui sera et ce qui a été, quel que soit les imprévus de la vie ? 

Ne pensez pas que nous sommes des Bisounours occupés à vous dresser une utopie à la Thomas More. Dans cette capsule, nous vous proposons d’écouter Damien Dillenbourg et sa passion pour l’approche “Conscious Contracts®“. Une personne inspirante qui suit la piste d’Alalá Linda, inspirée aussi et réconciliée avec le monde de la justice par les ouvrages de Kim Wright

Ancien Procureur du roi, Damien était sur le point de renoncer… Mais la vie lui a insufflé une autre mission : inspirer et semer la bienveillance. Finalement, c’est un nouveau chemin pour vivre une autre approche de la justice tout en gardant son expertise et son incroyable bagage de connaissances, qu’il va utiliser, en bon jardinier, pour semer les graines de mariages réussis. Un mariage où affaire et humain sont en harmonie… Et vous avez remarqué ? Là, je vous parle de mariage déjà…

Pourla suite, il vous reste à écouter, et pourquoi pas passer à l’action, expérimenter. 

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Liens Bonus du podcast avec Damien Dillenbourg :

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Séquençage du podcast :

  • 00:20 Introduction
  • 00:35 Qui est Damien ?
  • 01:58 Les origines du Conscious Contracts®
  • 05:03 Quels sont les piliers sur lesquels repose ce paradigme et sa vision
  • 12:24 Un contrat qui suit le côté dynamique de la vie et qui sert à faire grandir la relation
  • 15:25 Une justice distante des réalités de l’humain ?
  • 20:35 Quelles sont les étapes du Conscious Contracts® ?
  • 25:13 L’empowerment
  • 27:27 Ne pas réaliser de contrat est aussi « ok »
  • 29:30 Un vocabulaire où le mot-clef est « partenaire »
  • 32:01 Un message sur l’authenticité et l’intégrité
  • 34:48 Une collaboration avec Anthemis et rendre le message contagieux…
  • 35:53 Une gratitude ?
  • 36:48 Clôture du podcast

Transcription du podcast avec Damien Dillenbourg :

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Jingle Intro: [00:00:00] « Entr’Nous (voix féminine Katalin) ; Entr’Nous (voix masculine Olivier), le podcast (Katalin) pour parler (voix masculine Michel) de sexualité (Olivier) par vous (Michel), avec vous (Olivier), (Katalin) »

Olivier Mageren: [00:00:20] Bonjour à tout le monde! Bienvenue dans ce 47? épisode du podcast “Entr’Nous”, le podcast du “Love Health Center”, un lieu dédié au bien-être, à la sexualité et à la relation. Alors aujourd’hui, j’ai le plaisir d’inviter Damien Dillenbourg, bonjour.

Damien Dillenbourg: [00:00:33] Bonjour Olivier. 

Olivier Mageren: [00:00:35] Et on va parler de contrat conscient. Alors j’ai découvert ça tout récemment et comme vous le savez, voilà une des particularités du Love Health Center, c’est d’être passionné dans une approche “slow sex”. Et qui dit slow dit pleine conscience et dans mots contrat conscient il y a conscience, donc on ralenti pour mettre plus de conscience dans ce qu’on fait. Et on va aborder ce podcast un peu, effectivement on ne parlera pas directement de sexualité mais en fait c’est tout ce qui englobe la relation et qui impacte directement finalement la sexualité. Je trouve qu’il y a beaucoup de pistes modernes et de sagesse dans le contrat conscient et je demanderais à Damien de développer tout ça par la suite. Pour démarrer, est-ce que tu peux te présenter?

Damien Dillenbourg: [00:01:09] Donc je suis avocat, accessoirement, je suis d’abord et surtout papa de trois enfants que j’ai eu avec mon épouse et associée, Catherine. Voilà, j’ai une expérience de près d’une trentaine d’années dans le monde juridique, dont 18 ans dans la magistrature, ce qui est une particularité que peu d’avocats partagent avec moi. Et donc voilà, depuis 2018, j’ai repris une carrière de consultant et puis d’avocat, en ajoutant à mes compétences juridiques une expertise dans des domaines plus soft skills, tout ce qui touche à l’accueil des émotions, l’Ennéagramme, une formation en coaching, business coaching plus global. Et donc je mélange un peu tout ça, c’est un mix détonnant qui me plaît beaucoup et qui correspond mieux à ce que je veux offrir aujourd’hui au monde et aux autres.

Olivier Mageren: [00:01:58] Merci et je suis vraiment très, très, enthousiaste par ce podcast qui est un peu probablement insolite pour les gens qui vont le découvrir: qu’est-ce que le contrat conscient vient faire dans une série de podcast sur la sexualité ? Mais comme on le disait en aparté, quand on parle de conscience c’est à dire qu’en ralentissant on devient plus intime finalement, comme tu disais, on se rapproche, on réduit les distances entre les gens et on s’implique vraiment fortement en fait dans ce qu’on veut faire. Et l’authenticité, ç’est à la fois mieux se connaître et amener tout un chacun à se rencontrer. Et pour bien comprendre le contrat conscient. Est-ce que tu pourrais peut être nous expliquer un petit peu les origines et les fondements de cette approche ? Ce que c’est en fait ? Parce que je pense que ça va être nouveau pour beaucoup de personnes.

Damien Dillenbourg: [00:02:37] Ok, avec plaisir. Donc la terminologie officielle c’est “Conscious Contracts®” parce que le nom est d’origine américaine et c’est une méthodologie de négociation et de formation du contrat qui a été créée par une avocate américaine qui s’appelle Alalá Linda, anciennement Linda Alvarez. Elle a changé son nom officiellement il y a peu de temps. Et Alalá a un parcours que rencontre, qui est à la fois rare et à la fois commun, c’est à dire qu’elle a d’abord eu une carrière dans le monde théâtral avant d’entamer des études de droit et de devenir avocate. Et elle a travaillé dans le hardcore business du droit pour des grands cabinets d’avocats dans le monde des affaires aux États-Unis. Et son évolution, elle la caractérise en deux temps. La première, c’est qu’elle s’est rendue compte qu’elle était de plus en plus désalignée intérieurement entre, d’une part, ce qu’on exigeait d’elle dans son travail d’avocate traditionnel, avocate d’affaires, et son aspiration profonde à plus d’harmonie dans le monde, dans la mesure où ce qu’on attendait d’elle dans son business c’était surtout d’être une combattante. Et elle avait coutume de dire qu’elle écrasait ses adversaires comme des insectes. Et ce désalignement a commencé à causer de la souffrance chez elle. Le deuxième élément déclencheur, quand elle explique un peu son parcours de vie, c’est d’avoir vécu elle-même un litige, je ne rentre pas dans les détails mais un litige très violent, avec des personnes dont elle ne s’attendait pas à observer des réactions telles qu’elle les a observées et aussi ses propres réactions d’ailleurs, des réactions de colère, voire de haine vis à vis de l’adversaire. Et à un moment, elle a pris conscience qu’elle était elle-même dans sa propre vie complètement désalignée. Et donc elle a eu cette intuition de dire je suis juriste, je suis avocate, mais je suis dans la colère, dans la rancœur et donc je ne vais pas pouvoir produire quelque chose de positif de ce litige si je continue sur cette voie-là. Et elle a eu l’intuition de se dire “On peut faire les choses autrement, on peut arriver à conclure un accord qui sera reconnaissant et dans la gratitude de la collaboration qui a existé, même si à un moment on est en train de discuter, de se séparer”. Et c’est de cette manière-là qu’elle a eu cette idée d’une forme de contrat tout à fait innovante, qui vise d’abord et avant tout à honorer la relation et pas à régler des comptes et à montrer qui est le plus fort, qui est le plus puissant.

Olivier Mageren: [00:05:03] Oui, c’est déjà un parcours très inspirant en fait d’oser afficher des valeurs pour essayer de transformer un système, on va dire, de l’intérieur. Parce que quelque part, de ce que j’ai compris parce qu’on s’est rencontré récemment et je t’ai découvert, je t’ai découvert en conférence, c’est qu’en fait c’est directement applicable, même dans le droit belge. C’est à dire que c’est une approche et une méthode (Damien Dillenbourg: Exact) pour utiliser les outils juridiques existants, mais en le faisant en conscience en fait, et de mettre de l’humain, là où peut-être il en manque parfois et où on a plus tendance à se taper dessus ou à créer de la rancœur (Damien Dillenbourg: Tout à fait) qu’autre chose. On entend souvent qu’en justice il n’y en a pas de justice et qu’en fait il y a un gagnant et un perdant quelque-part (Damien Dillenbourg: Exact). Et c’est un peu rude d’entendre ça quelque part (Damien Dillenbourg: Oui), parce que c’est souvent: on fait appel à la justice quand il y a vraiment un conflit fort à gérer, et ce pourquoi ça me touche de pouvoir développer cette thématique avec toi aujourd’hui au micro c’est que, quelque part, comme on est tous différents, avec des vécu et des bagages différents, c’est normal pour n’importe quel sujet, qu’on ait des opinions qui diverge, qui soient différentes, c’est l’altérité, on est tous différents donc… Naturellement, et si cette différence peut être comprise comme une source de créativité, d’innovation, de rencontre, de foisonnement, de bien-être, c’est positif. Et souvent quand on est en désaccord, ou bien quand on a des avis différents, on fait un raccourci avec désaccords, conflits, alors qu’entre les deux ben il y a cette nuance du naturelle de dire qu’on est différent et qu’avant même d’être en conflit, il y a toutes des étapes et une graduation, un spectre très, très, large. Avant même aussi, au-delà du conflit, de dire “On est presque en combat et on doit avoir une tierce personne qui doit nous arbitrer”. Et la beauté du contrat conscient, comme tu disais c’est de, tu me corrigera si les termes ne sont pas tout à fait adéquats, mais c’est de rendre les gens autonomes et c’est à dire de permettre à la relation de grandir ensemble plutôt que d’attendre qu’une tierce personne qui ne connaît pas la situation d’arbitrer. Et finalement ben on n’est pas dans une autonomie et on ne grandit pas ensemble. Le conflit est plutôt une source de séparation plutôt qu’une source de croissance (Damien Dillenbourg: Tout à fait) et de bien-être. Et le fait que c’est aussi quelque chose de plus évolutif parce que le contrat, ce qui m’avait interpellé moi-même ayant vécu des histoires en justice qui ne sont pas amusantes du tout, on a l’impression que le droit est très figé, et bloqué, et orienté problème en fait. Sur base de quelques réflexions, est-ce que tu pourrais nous présenter un peu quels sont les fondements, les piliers sur lequel repose le paradigme et la vision du contrat conscient ?

Damien Dillenbourg: [00:07:04] Avec plaisir. La phrase qui me vient à l’esprit en t’écoutant, c’est que sans altérité, il n’y a pas de relation. Et que c’est le cœur même de la relation que l’altérité. Si on est tous les mêmes, si on est tous des clones, la relation est sans intérêt. Et foncièrement nous sommes des êtres relationnels. J’ai relu récemment un ouvrage qui m’avait beaucoup marqué il y a une vingtaine d’années, de Jean-Jacques Wittezaele, qui est de l’école de Gregory Bateson, Palo Alto, qui s’appelle “L’homme relationnel” et qui met très bien en évidence la manière dont le conflit est aussi une manière de relation. Et parfois même le conflit est la seule manière de maintenir une relation avec un tiers. Et donc il faut bien prendre conscience du fait que notre relation au conflit, elle, est largement inconsciente et hors, elle surdétermine toute une série de choix que l’on va faire lorsqu’on entre en communication avec quelqu’un avec qui on n’est pas d’accord. Ça, c’est la première réflexion qui me vient à l’esprit. Par rapport au processus “Conscious Contracts®” lui-même. Je crois qu’il est important de dire qu’il existe des modes alternatifs de règlement des conflits, qui sont de plus en plus valorisés mais à mon sens encore largement sous-valorisés, qu’il s’agisse du droit collaboratif, de la négociation raisonnée et bien sûr de la médiation. Donc toutes ces formes permettent, à mon sens, d’honorer la relation et de sortir entre guillemets par la grande porte du conflit. L’idée que je trouve géniale, l’intuition géniale d’Alalá Linda, c’est de dire qu’on peut anticiper, on peut anticiper la manière dont on va gérer un conflit s’il se présente au moment même où se noue la relation contractuelle. Donc l’idée c’est de prendre encore en amont en fait, de déterminer en amont quel va être le socle de la relation. Et donc l’un des points majeurs du “Conscious Contracts®”, c’est d’intégrer dans le contrat lui-même un processus d’accueil du changement et de résolution des désaccords. Si tu veux, le point de départ du “Conscious Contracts®”, c’est de dire qu’on va se disputer, parce qu’on ne pourra pas tout le temps être magnifiquement aligné. Tu connais bien la question des relations de couple, notamment via la sexualité. On sait que dans la vie, on n’est pas systématiquement totalement aligné dans une relation, même une relation aussi forte qu’une relation intime de couple. À fortiori dans une relation d’affaires, on sait qu’il y aura des désalignement et des désaccords. L’illusion du contrat traditionnel, c’est de penser que c’est mal et de porter un jugement là-dessus en disant “Non, non, le contrat qui se passe bien, c’est le contrat où il n’y a pas de désaccord”. Et donc on crée une espèce de fiction où il y a une espèce de réalité éthérée, idéalisée, qui est la relation où tout se passe toujours bien. Et chaque fois qu’on dévie de ce chemin, c’est mal, c’est un problème. Et en réalité, le “Conscious Contracts®” part d’un paradigme différent qui est de dire “Non, on sait qu’il y aura des désaccords, mais on va décider au moment où tout va bien, au moment où on se serre dans les bras et on sabre le champagne parce qu’on a signé un chouette contrat. C’est à ce moment-là qu’on va décider et quand les choses tourneront mal, qu’est-ce qu’on va faire?” Parce qu’il y a le conflit personnel et puis il y a les circonstances inconnues. C’est à dire que, dans un contrat qui va durer six mois, un an, dix ans, 20 ans, il est évident que des événements imprévus vont se produire. L’intérêt du conseil contract, c’est de dire “OK, si ça se passe, qu’est-ce qu’on fait?” Partant du principe qu’aujourd’hui je ne sais pas quelle sera la bonne solution dans un an, dans cinq ans, dans  10 ans. Et donc je laisse le champ ouvert alors que le contrat traditionnel va énumérer toute une série d’hypothèses en disant “S’il se passe ceci, alors voilà comment on va résoudre le problème”, avec en plus la dimension très importante dans le contrat habituel, traditionnel, qui est la notion de faute. C’est à dire que c’est la clé de voûte de toutes les clauses du contrat qui commence généralement: “Dans le cas où…” il y a un retard de livraison, il y a retard de paiement, il a ceci, il y a cela, c’est les “what if clauses”, comme on dit en anglais, et qui vont constituer le cœur du contrat et qui s’articulent très largement, je ne vais pas être caricatural, mais très largement autour de la notion de faute. Et donc ça induit toute une série de comportements relationnels évidemment, ce socle du contrat, puisque si je veux ne pas perdre, il faut que je prouve que tu es en tort, que tu as commis une faute. Si je veux obtenir une indemnité, je dois démontrer que c’est par ta faute qu’est survenu tel et tel événement dommageable au contrat. Le pari du “Conscious Contracts®” c’est: on oublie cette question de faute, et on dit “Il y a un conflit, il y a un désaccord, il y a une circonstance imprévue. Comment va t on utiliser cette situation pour améliorer encore la qualité de la relation?” Et donc j’ai coutume de dire que, comme en économie circulaire on utilise le déchet comme une ressource, eh bien on utilise le conflit comme une ressource pour améliorer encore et approfondir la qualité de la relation. Après, je peux te dire un mot sur la méthodologie plus spécifique, ou si tu veux peut-être une précision ou l’autre, parce que là je reste encore très très abstrait, mais à un moment je peux te dire très concrètement comment on construit un “Conscious Contracts®”

Olivier Mageren: [00:12:24] Mais c’est très abstrait et en même temps je trouve très utile. On joue parfois dans une pièce de théâtre et on ne connaît pas trop les règles, ou on ne comprend pas les comportements, et tu le décris avec des mots. Certes on est un peu dans l’abstraction et on va rentrer dans le détail de la méthode et ce que ça contient vraiment la “Conscious Contracts®” mais, comme tu dis, quelque part dans un contrat traditionnel c’est plutôt une approche méfiance, une approche du problème sur les “what if”. C’est: on va essayer d’anticiper à l’avance ce qui n’est pas prévisible, on ne sait pas comment la vie va évoluer. Comme tu disais dans une conférence “Qui avait prévu le COVID, personne quasiment”. Et donc ça amène plein de conséquences difficiles à prendre en main finalement, avec des contrats conventionnels qui sont très figés, qui ne sont pas évolutifs. La vie évolue, le contexte évolue, les gens évoluent. Mais le contrat essaye de prévoir à l’avance, parfois de manière très vieille et personne ne s’en souvient, des conditions qui vont peut-être apparaître. Et on croit qu’on a fait un bon travail (Damien Dillenbourg: Et ton contrat va finir dans un tiroir de toute façon et tu le ressortira quand ? Quand il y aura un problème). Et aussi l’idée de dire “Ben tiens un conflit c’est quoi finalement ?” c’est même très subjectif. C’est, dans le contrat, tu disais “Quand quelqu’un sent que, quelque part il y a quelque chose qui ne va pas”, c’est très subjectif mais, et personnel. On lève la main, on dit “Tiens, je sens qu’on approche (Damien Dillenbourg: Exact) une limite qui moi, me paraît difficile à gérer”. Et donc on reprend justement le contrat conscient pour dire “Voilà, on s’était mis d’accord”, entre-autres tu l’expliqueras mais donc un travail en amont sur les valeurs, la vision (Damien Dillenbourg: Tout à fait), ce qui nous relie, qu’est-ce qui fait qu’on a un socle commun (Damien Dillenbourg: Exact) et ensuite comment on va gérer s’il y a une difficulté ? Et je trouve ça fabuleux, parce que considérer que l’objectif du contrat, c’est qu’il suive le côté dynamique de la vie et qui servent à faire grandir la relation, c’est-à-dire qu’on va l’affiner et la rendre encore plus belle et que c’est une source de bien-être pour chacun plutôt que dire à chaque obstacle (Damien Dillenbourg: Un épanouissement, tout à fait) on abandonne ou on se tape dessus. Et c’est quand même très archaïque comme approche, presque, alors qu’on est des humains avec tellement de compétences. Et ça j’ai trouvé fabuleux moi quand je t’entendais, il y a plein de phrases que tu expliquais… 

Damien Dillenbourg: [00:14:03] Redis-les parce que j’ai oublié moi, parce que… Ah ha ha ha ha ha! Parce que d’une conférence à l’autre, ça change un peu donc… Ha ha ha ha! Non, je blague, je vais t’en donner d’autres, qui seront peut-être moins belles, mais voilà.

Olivier Mageren: [00:14:14] Mais, par exemple, évidemment dans les, quelques phrases puisque tu me le propose, il y avait: “Qu’est ce qui nous enthousiasme le plus?” (Damien Dillenbourg: Oui) Bon, c’est plutôt rare quand on écoute une question de droit ou de contrat (Damien Dillenbourg: Exact), parce qu’on a beau dire “Tiens, c’est bizarre qu’on parle de ça ici en sexologie”, mais pour moi je trouve que l’idée c’est de s’enrichir de tout ce qui est développé dans d’autres domaines, parce qu’on reste toujours, comme tu dis, dans le domaine de la relation et de l’humain. Donc finalement ça aura des répercussions dans la relation affective qui est souvent cachée, taboue, un peu honteuse parfois, enfin, ça reste de l’intime et on partage pas. Mais pourtant ce qui se passe là va s’exprimer aussi dans la relation sociale externe, public et vice versa, ce qu’on vit au travail va influencer… Et donc je crois qu’il faut s’inspirer de ce qui existe ailleurs, des grands pas qu’on fait dans d’autres domaines, créer des ponts et se dire “Tiens, comment ça pourrait m’être utile dans ma vie affective ?”. On va dire “Est-ce que moi aussi je ne reproduis pas inconsciemment une méthode juridique classique de: on va chercher la faute”, voilà. Et tu parlais d’enthousiasme, c’est un parmi d’autres. Je me suis dit “Ah, enfin, on va voir la vie un peu: pas approche problème, positive, joyeuse, optimiste. Même s’il y a des challenges, c’est pas facile (Damien Dillenbourg: Bien sûr). Mais c’est par là qu’on passera tous (Damien Dillenbourg: Exact) donc autant en prendre compte

Damien Dillenbourg: [00:15:14] C’est la condition humaine, qu’on l’accepte ou non. Et donc, oui, l’idée c’est vraiment de voir derrière le droit construit comme une forme de paravent à la relation.

Olivier Mageren: [00:15:25] Une autre phrase que je trouvais sympa aussi c’est: “Je suis là pour que ta vie soit plus florissante”. Donc quelque part on est là en support de l’autre, on n’est pas là pour l’écraser ou de gagner, ou que l’autre soit… Ou de comprendre sans même rien dire, ou sois à notre service, mais qu’on est au service de l’autre et de la relation. Parce que finalement, même dans des partenaires commerciaux, puisque ça vient plutôt (Damien Dillenbourg: Tout à fait) de ce domaine-là, on est là pour que le business de l’autre aille mieux. Et parce qu’on est ensemble on est plus forts ensemble (Damien Dillenbourg: Exact). Et quelque part il y a un côté “Qu’est-ce qu’on est en train d’honorer et de célébrer dans le fait de travailler ensemble?” Ou sinon autant travailler avec des personnes autres! Et voilà c’est toutes des petites phrases qui m’ont touchée et je me suis dit “OK, la sexologie pourrait grandir grandement” parce qu’implicitement on dit “Ah j’aime quelqu’un, ou je suis en couple avec quelqu’un”, ça sous-entend plein de choses. C’est comme s’il y avait un contrat implicite parfois (Damien Dillenbour: Tout à fait), ou même on se marie suivant des règles préétablies et on ne prend pas toute l’essence ou ce que ça veut dire et on ferme les yeux fermés comme “Tout ira bien” et puis finalement on se prend des casseroles. Et c’est dommage en fait, aujourd’hui avec autant d’années que le droit existe, on pourrait enrichir, changer de paradigme, mais je le trouve beau…

Damien Dillenbourg: [00:16:23] Oui. Alors bon, moi je ne juge pas évidemment, ni mes confrères, mes consœurs, ni le système judiciaire en tant que tel. Je dis juste que “Je sens chez moi et dans le monde une aspiration à quelque chose de différent”. Et puisqu’il y a une demande de quelque chose de différent et que moi je me sent appelé à répondre à ces nouvelles formes relationnelles émergentes, je le propose. Après, tout le monde ne va pas se sentir attiré par ça, et c’est parfait comme ça. Mais effectivement, cette idée que le contrat, comme je le disais, ne serve plus de paravent à la relation mais comme support de la relation. Pour moi cette idée est très puissante et tu parlais des litiges judiciaires, donc moi je t’ai dit j’ai quand même près de 30 ans maintenant de pratique judiciaire, dont 18 ans en partie au parquet, en partie comme juge, j’ai tranché des centaines de litiges et de manière un peu caricaturale, je dis souvent qu’il n’y a pas un gagnant et un perdant dans une procédure judiciaire. Il y a généralement deux perdants et c’est le processus qui veut ça. C’est à dire que voilà, je peux te donner des centaines d’exemples où celui qui a gagné entre guillemets, qu’est-ce qu’il a gagné ? Il a rarement gagné tout ce qu’il demandait, jamais, combien ça lui a coûté ? En temps, en énergie et en argent, hein ? Et celui à qui a perdu n’en parlons pas. Et donc l’idée c’est de permettre aussi aux parties de construire leur propre système de justice. Tu parlais de l’autonomie tout à l’heure plutôt que le recours à un tiers. Oui, moi je crois qu’on a tout intérêt, autant que possible, à être autonome dans la gestion de ses relations et pas nécessairement devoir s’en remettre à un tiers qui va arbitrer pour toi, juger pour toi, sur la base de normes qui valent ce qu’elles valent, qui sont interprétées de la manière dont elles sont interprétées et je parle là de la loi. Mais même les clauses du contrat, tu sais, la loi dit que le juge doit rechercher la véritable intention des parties. Alors, c’est très pratique sur le plan conceptuel, mais c’est évident que c’est une fiction. L’intention véritable des parties, comment le juge peut la connaître? Sachant que, à mon avis, les parties elles-mêmes n’ont pas nécessairement vraiment conscience de leur intention au moment où elles contractent. Il y a plein de choses qui se jouent au moment du contrat, i y a des choses qui sont dites, il y a des choses qui sont conscientes et cachées, et il y a des choses qui sont véritablement inconscientes. Donc, l’idée, c’est par un processus de construction, d’interrogation, de questionnement, d’inviter les parties à se parler, à se parler vraiment. Et donc oui, il y a la question de l’authenticité. “Tiens, qu’est-ce qui fait que j’ai envie de bosser avec toi? Qu’est-ce qui fait que j’ai envie de faire ce podcast avec toi?” Parce que je trouvais que ton approche était intéressante, que les questions que tu m’as posées m’ont fait penser que tu pourrais guider cet entretien d’une manière subtile et intelligente. Et que moi, de mon côté, je n’ai qu’une envie, c’est de pouvoir parler et partager de cette méthodologie qui m’a réconcilié avec le droit. Parce qu’en 2018, j’avais décidé de faire une croix sur le droit. Et j’ai un parallèle avec Alalá Linda, sans prétention aucune, c’est qu’elle aussi à un moment, elle a quitté le barreau, elle a donné des cours de tricot, elle a dit c’est fini le droit. Et puis, voilà la vie nous ramène des choses en disant “Mais finalement, on peut aussi pratiquer le droit d’une manière qui va intégrer qui je suis comme être humain, mon vécu, comment j’ai procédé, mes expériences agréables, douloureuses et comment je peux transmettre et apporter quelque chose de différent aux autres grâce à ce que j’ai vécu, mes souffrances, mes expériences, mes rencontres”. Et je veux mentionner le nom de Kim Wright, donc qui est cette avocate américaine, qui est une amie, et qui a collaboré avec Alalà Linda sur la question de “Conscious Contracts®”. Mais Kim Wright est la première qui m’a réconcilié avec le droit. Avec un ouvrage qui s’appelle “Lawyers as Changemakers” et un autre ouvrage qui s’appelle “Lawyers as Peacemakers”, je suppose qu’il n’y a pas besoin de traduire. Mais au moment où j’ai lu ces bouquins, voilà, j’ai eu quelque part une révélation en disant “Mais tu peux continuer à être un juriste qui pratique le droit, qui connaît le droit mais qui va mettre du cœur dans ton travail”. Et ça, ça peut de nouveau raviver la flamme de l’intérêt de ce métier que j’avais un peu perdu.

Olivier Mageren: [00:20:35] Peacemaker c’est vraiment aussi ce qui anime cette pratique, on sent que l’intention c’est d’être ensemble, d’être l’un à côté de l’autre face à une difficulté, de communiquer. La communication est fondamentale, plutôt que de créer de la distance, créer de la paix, de la symbiose autant que possible et dire voilà “On va chaque fois aller plus loin, donc un conflit est source de paix en fait”. Est-ce que tu peux nous détailler maintenant le cœur du “Conscious Contracts®” ? (Damien Dillenbourg: Concrètement ? Très bien). Quelles sont les étapes ?

Damien Dillenbourg: [00:20:56] Très simplement, très schématiquement, il y a trois grands chapitres dans un “Conscious Contracts®”. Le premier c’est ce qu’on appelle la “Touch stone”, c’est à dire la pierre de touche, qui est une vieille expression qui fait référence à un test qu’on utilisait depuis l’Antiquité, où on utilisait un morceau de pierres semi-précieuses et sur lequel on frottait un mélange de métal. Et en fonction de la réaction qui se produisait, on pouvait qualifier le degré de pureté de ce métal qu’on avait frotté sur cette pierre semi-précieuses: “Touch stone”. L’intention en choisissant ce mot, l’intention de Linda, ça a été de dire que, là, on va mettre en tête du contrat quelque part le socle de notre relation, mais aussi l’étalon à l’aune duquel on va mesurer la qualité de notre relation tout au long de la vie du contrat. Donc quelque part, on grave dans le marbre ce qui fait que nous avons envie de travailler ensemble. Ce qu’on ne trouve pas dans un contrat traditionnel. Et donc ça nécessite, on peut faire ça de différentes manières, une manière très simple de le faire parce qu’elle parle beaucoup au monde du business, c’est: vision, mission, valeurs, hein ?. On va utiliser ce triptyque bien connu et la différence entre “vision, mission, valeurs” que vous voyez sur le site internet d’une grosse boîte ou dans le hall d’entrée à la réception d’une grosse boîte, c’est qu’il n’y a personne qui signe en dessous et qui dit “Je m’y engage” comme disait l’autre, hein ?. C’est juridiquement contraignant, ce sont des belles intentions, des belles déclarations d’intention, mais on se dit que ça ne mange pas de pain parce que de toute façon, si on le respecte pas, il va rien se passer. Et donc, en intégrant ces éléments-là dans le contrat, ça apporte aussi une obligation d’intégrité de la société ou de l’entreprise en question. C’est de dire qu’il ne suffit pas de les proclamer ces valeurs, cette mission et cette vision, encore faut-il les honorer. Et puisque vous l’avez mis dans un contrat, à ce moment-là, vous devez nécessairement vous y tenir. Et donc la force de l’engagement est tout à fait différente. Et donc ça, on va construire par un questionnement. C’est pour ça que ma pratique, ma formation de coach est intéressante, enfin je la ressent comme intéressante parce que je suis dans la pratique du questionnement: qu’est-ce qui est important pour toi ? Quel est le monde dont tu rêves ? Qu’est-ce qui manque dans le monde ? Qu’est-ce que tu voudrais qu’il se passe dans le monde et comment tu y contribue ? Ça c’est les missions. Et comment tu y contribue dans ce projet business bien précis. Et puis les valeurs, alors là aussi c’est un peu bateau, sauf que c’est le cœur de ce qui va faire la relation. Qu’est-ce qui est important pour toi dans la vie en général et dans la relation contractuelle qu’on est en train de construire ? Et donc j’interroge les parties, et par un travail de questionnement et de synthèse, j’élabore un texte que je soumets ensuite aux parties en disant “Est-ce que ça vous parle, ça ?” Et comme je l’ai partagé récemment, j’ai eu un témoignage récent qui m’a vraiment beaucoup touché, et j’ai demandé l’autorisation à ma cliente de pouvoir en parler même sans citer son nom. Dire le retour que j’ai eu, en envoyant le projet de contrat, c’était “C’est vraiment beau, c’est émouvant, C’est exactement ça que je voulais”. Et je ne connais pas beaucoup d’avocats qui reçoivent ce genre de feedback et donc moi, je suis super heureux de recevoir ça. Premier point “Touch Stone”. Deuxième point, on peut même dire que c’est là le cœur du contrat, c’est ce fameux processus que j’appelle “Accueillir le changement et surmonter les désaccords”. C’est qu’à ce moment du contrat, on élabore très concrètement un processus spécifique de communication le jour où il y a quelque chose de grave et d’important qui se passe. Donc, comme je dis toujours, ce processus-là il ne sert pas à choisir la couleur des post-it, ce n’est pas ça. Mais le jour où il y a quelque chose d’important qui se passe, le réflexe traditionnel c’est j’envoie une mise en demeure par recommandé, je vais voir mon avocat ou je saisis directement le tribunal. L’idée c’est: on va mettre en place un processus communicationnel construit par les parties elles-mêmes. Donc à la base, moi je ne sais pas ce qu’elles vont mettre dans ce processus, mais quelque chose qui leur correspond, en fonction de leur expérience du conflit, de leur vie du conflit, de ce qui est facile pour elles de faire, de dire, etc. Le mode de communication: est-ce qu’on parle en direct, est-ce qu’on parle par mail, etc etc. Et là on va mettre un processus progressif qui a pour but, comme je l’ai dit, d’intégrer les difficultés, de les surmonter pour construire un nouvel accord. Et le troisième pilier du “Conscious Contracts®”, celui-là, il ressemble très fort au contrat traditionnel. C’est ce qu’on appelle le plan d’action et qui prévoit alors qui fait quoi ? Qui délivre quoi, dans quels délais, pour quel prix ? Donc voilà le triptyque de base du “Conscious Contracts®”

Olivier Mageren: [00:25:13] J’aime bien aussi le mot empowerment, ou empuissancement en français, ce côté où je ne pensais pas qu’au niveau du droit, quelque chose qui paraît très rigide, froid, ou distant, ou matérialiste, on puisse amener autant de liberté à l’humain avec autant de liberté. En tout cas, probablement dans le droit belge, peut-être ailleurs c’est différent mais, qu’on pouvait intégrer des méthodes pour définir un vrai contrat légal mais sur base de valeurs humains. Donc en fait, on n’a aucune excuse pour ne pas y aller finalement, quand on le sait.

Damien Dillenbourg: [00:25:38] L’excuse c’est la recherche de sécurité, c’est qu’on vend le contrat traditionnel et on vend le droit de manière générale comme un facteur de sécurité. Et en réalité, ce n’est pas toujours un facteur de sécurité, c’est même pas souvent un facteur de sécurité, en tout cas beaucoup moins sûr et beaucoup moins rassurant que la qualité de la relation qui, elle, est un véritable facteur de sécurité. Et on oublie trop souvent, et nous les avocats et les notaires, on oublie trop souvent l’immense marge de manœuvre que nous offre le code civil et même les lois économiques. Alors évidemment, il y a des règles minimales à respecter, c’est pour ça que ce n’est pas un jeu, hein, ce n’est pas que du coaching, il y a les parties qui vont signer et à un moment ça pourra se retrouver un jour devant un juge. Donc il faut faire ça avec beaucoup de professionnalisme et éventuellement pour les non-juristes, faire revoir par un juriste, qu’il soit avocat, notaire, conseiller fiscal ou quoi que ce soit. Être sûr de ne pas mettre d’hérésie dans ce contrat. Donc il y a un cadre qui est fixé par la loi, il y a des règles qu’on appelle d’ordre public ou des règles impératives, i faut les avoir en tête. Mais à côté de ça, il y a un très vaste espace de liberté et de créativité. Le code civil c’est “Toute convention légalement formée tiennent lieu de lois à ceux qui les ont faites”, voilà, ça c’est la base de la base. Encore une fois, il y a quelques règles à respecter, il faut les connaître. Mais le champ d’investigation de la créativité il est énorme, et on ne le fait plus assez, parce qu’il y a la facilité des templates, donc les modèles. Bien souvent, on travaille avec des modèles, les notaires travaillent avec des modèles. Et c’est plus facile, évidemment et ça va plus vite, et c’est plus efficace, ça je n’en doute pas. Maintenant, moi je dis aussi: tout ce qui, il ne faut pas oublier, que tout ce qui est automatisable va être remplacé par de l’intelligence artificielle et qu’elle sera encore la plus-value des métiers juridiques, c’est un autre sujet dont on pourra parler une fois. Mais si tu mets de l’intelligence humaine, pour l’instant il n’y a pas encore beaucoup d’intelligence artificielle qui parvient à la remplacer.

Olivier Mageren: [00:27:27] Et quand tu parles de contrat j’ai presque envie de refaire ce travail. Ça me rend curieux de la justice finalement, alors que c’est un sujet qui ne m’a jamais passionné ni intéressé fondamentalement. Et de me dire est-ce que ce qui est écrit dedans va me rendre joyeux ? Est-ce que ça m’enthousiasme de rentrer là-dedans ? Est-ce que je suis satisfait ? Je me dis “Tiens! Est-ce qu’il ne manque pas des choses ? Et c’est complet ? Est-ce que c’est suffisant ? Ou comment je m’y retrouve là, moi en tant qu’humain, dans ce papier” un peu froid finalement un contrat (Damien Dillenbourg: Oui), est-ce qu’il y a de la chaleur, vraiment ? Et de me dire “Tiens, on pourrait faire ce travail d’approfondissement” et heureusement que des gens comme toi s’investissent dans ce genre de, enfin voilà, pour ça (Damien Dillenbourg: On essaye!) pour accompagner, parce qu’on pourra faire évoluer le système pour soi-même en fait, que si on s’en donne les moyens et qu’on essaye de voir ce qui nous correspond plus proche de nous-mêmes. Quand tu dis de ne pas se dissocier et de se dire “Ah tiens, je prends de la distance c’est plus pour moi” le contrat, il sera de toute façon là, d’une manière ou d’une autre, et comment je m’y implique et peut-être ralentir suffisamment au début, pas aller trop vite. Et de voir si vraiment il vaut mieux s’engager ou pas avec cette personne, si on peut grandir avec cette personne, s’il y a des piliers qui font qu’on sent vraiment qu’en fait l’investissement il est beau et à honorer en fait.

Damien Dillenbourg: [00:28:25] Hum hum. Je peux te dire que, alors je n’ai pas de statistiques précises, mais il est arrivé qu’à la fin de ce travail sur la pierre de touche, donc “vision, mission, valeurs”, les discussions s’arrêtent là. Parce qu’en fait les partenaires se sont rendu compte qu’ils n’étaient pas alignés, et que ce qui était important pour eux dans la vie ce n’était pas du tout la même chose, et c’était même incompatible. Dans ce cas-là tu signes pas le contrat et tu évites, moi je pense, des années de souffrance. Et ce n’est pas un jugement de valeur sur l’autre, c’est ça qui est important aussi. Le fait de ne pas partager une vision du monde ne veut pas dire que l’un a tort ou que l’autre a raison, il faut oublier ça. L’autre a sa perception, son vécu, et finalement ça ne va pas matcher, ça ne va pas fonctionner la relation, et c’est parfait comme ça. Et chacun reprend un peu ses billes et poursuit son chemin. Et je préfère ça, je préfère, mais c’est cette discussion franche, et honnête, du début qui permet de poser les jalons et donc de dire “Bah non”. J’ai une cliente qui est d’ailleurs revenue vers moi en disant merci pour ce travail, “Merci parce que je ne l’ai pas contracté avec tel partenaire et je me suis rendu compte dans cette discussion que j’aurais fait fausse route. Donc ça sert à ça aussi!

Olivier Mageren: [00:29:30] J’imagine que l’expérience pour ces clients c’est aussi: ils sont riches de cette expérience très concrète qui les a fait vivre dans leurs tripes. Quelque part ils enthousiasmaient probablement un contrat qui n’a pas eu lieu, mais ils sont forts de cette expérience. Et ça permet de sortir quelque part, même en relation (Damien Dillenbourg: Bien sûr) amoureuse, ou sexuelle, ou autre, de sortir des deux extrêmes idéalisées où on sait que c’est un peu surfait, ou bien pessimiste. “Non, non, la vie va changer beaucoup de choses, et on peut se donner les moyens, et il y a de l’intelligence à y mettre en ralentissant”. Et accepter de dire “Ça ne va pas être tout beau, mais ça ne va pas être très triste non plus”, on peut vraiment être partenaire de vie quoi. J’aimais bien parce que tu as dit beaucoup de fois le mot partenaire dans ta conférence, c’est…

Damien Dillenbourg: [00:30:05] Oui, toute relation est un partenariat, est une collaboration. Avec toi, là on collabore, on collabore avec Michel qui est à la technique, on collabore… Je pense qu’on collabore avec “Sky” qui est couché à notre pied, donc. Et ce n’est qu’un jeu, la vie est un jeu de relations de collaboration et en réalité honorer ça, et ce n’est pas être bisounours ça, c’est simplement changer ses lunettes. Mais mon fournisseur, mon client, en tant qu’avocat mon client est un partenaire évidemment. Pourquoi? Parce qu’il me permet de faire ce que j’aime, déjà, et en plus il va me payer pour ça! Donc ce n’est pas magnifique ? Et moi j’espère être un partenaire pour lui, pour le développement de son projet, qu’il soit personnel ou professionnel. Et donc oui, on construit des partenariats et l’idée c’est d’honorer les partenariats. Et encore un petit mot, une dimension importante du “Conscious Contracts®”: c’est aussi la langue, dans le sens du langage. La difficulté du contrat traditionnel c’est qu’il est construit par des professionnels du droit, pour des professionnels du droit. C’est qu’à un moment, un contrat, il est rédigé par un avocat, ou par un notaire, des statuts de sociétés, etc. Et le jour où il y a un problème, il va filer chez le notaire ou chez l’avocat et il va filer chez le juge. Donc on est tout le temps entre professionnels du droit. Et donc l’idée de ce rapprochement, de cette réappropriation du contrat par les parties, elle nécessite un effort de langage. C’est à dire que toute clause, alors je suis un peu radicale hein ? Mais toute clause au pied de laquelle un des partenaires ne peut pas dire “J’ai bien compris ce que ça veut dire et je peux même le réexpliquer avec mes mots”, toute clause qui n’est pas suffisamment rédigée clairement doit être réécrite, et ça, ça demande un énorme effort de notre part. Et on peut écrire des choses, d’ailleurs il y a beaucoup de mouvements qui existent, ce qu’on appelle le plein langage, le langage laïc. En Belgique, il y a des gens qui sont experts là-dedans, et donc c’est un mouvement qui se répand un peu partout, et qui est très utile, parce que l’idée d’avoir un “Conscious Contracts®” c’est évidemment que les parties comprennent ce qu’elles signent. Sinon, tout mon beau discours perd toute sa valeur puisque je reste dans ma posture de l’expert et je garde cette distance qui est la distance technocratique du langage. 

Olivier Mageren: [00:32:01] Merci. En tout cas je souhaite que beaucoup de gens s’intéresse et utilise le contrat conscient et je vois beaucoup de pistes de mieux-être en fait, parce qu’on peut partir du domaine professionnel et finalement ça aura de toute façon des impacts et des répercussions dans la vie intime. Ou bien on pourrait déjà l’utiliser dans la vie intime par rapport au contrat de mariage (Damien Dillenbourg: Tout à fait) ou que sais-je hein ? Et d’aller ensuite… Ben si on a ce socle-là, on ne peut pas vivre en dichotomie de dire “Tiens, dans le monde extérieur et professionnel, on est totalement désaligné par rapport à ce qu’on vit de manière plus sereine. Donc quelque part, peu importe d’où on démarre, d’une manière commerciale ou affective, il y aura (Damien Dillenbourg: Il y a des aller-tour, c’est évident) une émulation, voilà, et c’est ça qui est magnifique (Damien Dillenbourg: Il y a une contamination vertueuse), voilà. Et chacun ses affinités, quelque part c’est comme ça qu’on se rencontre, toi tu étais passionné de droit, certainement de la relation aussi puisque tu le dis mais, et moi de la sexologie, et finalement on se rencontre et on y voit des potentiels dans le contexte dans laquelle chacun est, je trouve ça beau. Je voulais savoir, pour clôturer ce podcast, est-ce que tu souhaiterais partager quelque chose d’important, rajouter une information ? Je te laisse le temps de la réflexion, qui te ferait plaisir…

Damien Dillenbourg: [00:32:55] L’importante apprentissage que j’ai fait, grâce à tout ce mouvement de ce qu’on appelle le droit intégratif, intégrative laws, c’est que j’ai toujours pensé dans le fond de moi que nous ne sommes par nature pas schizophrènes, et que donc qui nous sommes ne change pas dans la pratique de notre métier et dans notre vie personnelle, intime, relationnelle. Et que ce à quoi j’aspire, d’abord pour moi-même et pour chacun qui le souhaiterait, c’est retrouver cette espèce d’alignement qui fait que tu es simplement qui tu es, que tu n’es pas obligé de porter un masque et surtout d’être en contradiction par rapport à tes valeurs quand tu pratiques ton activité professionnelle. Des valeurs que tu porterais dans ton cœur et que tu croirais limitée à ton cercle privé intime, voire même à toi seul. En réalité, tu peux intégrer tout ça et je pense que plus on intègre tout ça, plus il y a de l’authenticité dans notre posture, je pense que mieux le monde ira, y compris le monde du business. On n’est pas obligé d’être un agneau dans sa vie privée et un killer dans le business, même si ça nous fait mal. Pas du tout, en fait on peut très bien ré harmoniser tout ça et je pense que mon expérience personnelle de la vie du droit, notamment par les “Conscious Contracts®”, c’est vraiment tendre à cette espèce d’harmonie. Dire “Moi je n’ai pas envie de provoquer des conflits de manière générale, pourquoi est-ce que je le ferais de manière gratuite et dans une dynamique de combat dans ma vie professionnelle?”. Et donc pour moi les choses sont très claires vis à vis des clients, c’est, il y a peu de chances que j’aille au tribunal avec vous, donc vous le savez dès maintenant et voilà. Donc ça pour moi, c’est un message plus général, cette question de l’authenticité, de l’intégrité. Je pense que les gens ont plus de capacité qu’ils ne le pensent d’aligner tout ça dans leur vie privée, mais dans leur vie professionnelle!

Olivier Mageren: [00:34:46] Merci beaucoup Damien

Damien Dillenbourg: [00:34:47] Merci à toi

Olivier Mageren: [00:34:48] Comment les gens peuvent te contacter ? On mettra les coordonnées évidemment mais j’imagine que tu as des désirs, des souhaits, pour ta pratique, cet outil qui se développe de plus en plus. Quelle est ta vision ?

Damien Dillenbourg: [00:34:56] Ok, je te remercie beaucoup pour ta question, il y a deux choses mais… Ma pratique, à moi, c’est à dire que j’aspire à accompagner de plus en plus de personnes dans ce processus. Donc qu’il s’agisse de fonder une entreprise, de fonder une société commerciale, de fonder toute une série de partenariats, j’ai même travaillé sur des conditions générales de vente en mode “Conscious Contracts®”. J’ai très envie de développer cela et de m’y consacrer le plus possible. Et alors j’ai envie de diffuser l’outil, et là c’est officiel donc je peux le dire, j’ai développé un partenariat avec une maison d’édition juridique qui s’appelle “Anthemis”, et nous allons démarrer un cycle de formation avec un avocat qui exerce à Berlin, et voilà. Donc ça commence par un webinaire introductif et puis après une formation pour tous les professionnels du droit, ou les non professionnels du droit mais qui veulent être sensibilisés à cette pratique. Et donc j’espère pouvoir comme ça faire contagion et faire des petits parce que je pense que plus nombreux on sera à travailler de cette manière-là, mieux le monde se portera, j’ose le dire comme ça.

Olivier Mageren: [00:35:53] Merci. Et pour clôturer, notre rituel c’est de terminer par une gratitude, quelle qu’elle soit, peu importe: par rapport à qui tu es, ta vie, ton parcours.

Damien Dillenbourg: [00:36:00] Ah ah! Alors la première personne qui me vient à l’esprit, c’est mon épouse et associée Catherine, qui m’a toujours soutenue, voilà, ça fait 30 ans maintenant, donc 28 ans de mariage. Qui m’a toujours soutenue dans ces changements de vie aussi, ces changements de cap, les hauts et les bas. Et j’ai la faiblesse de penser que nous nous sommes soutenus mutuellement mais en tout cas j’ai beaucoup de gratitude pour elle, de m’avoir accompagnée et de m’avoir aidée à grandir aussi, par sa vision du monde, par sa vision… Et elle est avocate aussi, donc on a pu beaucoup échanger sur ces questions de c’est quoi le droit finalement ? C’est quoi la relation ? La structure juridique, elle sert à quoi ? Et sur le plan personnel évidemment, sur nos visions du monde, nous échangeons toujours beaucoup. Ça a commencé comme ça notre relation et on en est toujours là aujourd’hui. Donc j’ai beaucoup de gratitude  envers elle!

Olivier Mageren: [00:36:48] Merci, très joli, c’est très en cohérence avec la thématique du podcast. Eh bien le prochain podcast, ça sera justement avec Catherine, pour le prochain mois, prochain épisode. Et puis j’imagine, j’espère en tout cas, fort de ton expérience, expertise, voilà, savoir-faire, qu’on pourra peut-être développer d’autres épisodes de podcast sur cette thématique du contrat conscient et ce que ça implique, et qui pourrait être utile pour les gens.

Damien Dillenbourg: [00:37:10] Avec plaisir

Olivier Mageren: [00:37:11] Des petits coups de pouce comme ça qui font que la vie la plus belle pour tout un chacun. Merci.

Damien Dillenbourg: [00:37:15] Avec plaisir, merci beaucoup Olivier

Jingle Outro: [00:37:17] « Entr’Nous (voix féminine Katalin) ; Entr’Nous (voix masculine Olivier), le podcast (Katalin) pour parler (voix masculine Michel) de sexualité (Olivier) par vous (Michel), avec vous (Olivier), (Katalin) »

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